A l’issue d’une année 2000 faste pour chacun d’entre eux, le MC Del tha Funky Homosapien, le DJ Kid Koala, le producteur Dan "The Automator" Nakemura et quelques invités prestigieux se sont donc réunis pour former Deltron 3030, nouveau super-groupe dont l’album raconte les aventures intergalactiques d’un groupe de survivants à l’apocalypse de 3030.
75 Ark / PIAS :: 2000 :: acheter ce disque
Un album au concept futuriste particulièrement délirant, un MC mythique, un turntablist virtuose, et The Automator en guise de chef d’orchestre ? Tout ça n’est pas sans rappeler le premier chef d’œuvre du producteur nippo-américain, le fondamental Dr. Octagon de 1996, co-réalisé avec Kool Keith et Q-Bert, album culte et fondateur du hip hop indépendant d’aujourd’hui, alors en pleine gestation. Inutile de le nier, à l’instar de Handsome Boy Modelling School de l’an dernier, ce nouveau projet était très clairement attendu au tournant. Et le jugement est net : vous avez adoré les derniers albums de Del (Both Sides of the Brain), de Kid Koala (Carpal Tunnel Syndrome) et de The Automator (A Much Better Tomorrow) ? Et bien Deltron 3030 les dépasse tous les trois. C’est clair, limpide, évident dès les premiers titres, dès le morceau "Deltron 3030", ses guitares hawaiiennes, ses choeurs originaux, le tout accompagné par le génial flow de Del, l’un des meilleurs MC de tous temps, pour ceux qui ne s’en sont pas encore aperçus.
Et à aucun moment, la suite ne déçoit. Chaque titre suivant, doté d’une forte personnalité, fait mouche. Ainsi "Virus", l’irréprochable premier single, inquiétant à souhait. Ainsi encore le dynamique "Positive Contact", aux sons électroniques futuristes et enlevés, introduits par un brin de beatboxing. Ainsi toujours la composition grand écran de "Turbulence". Autres titres, à détacher encore de ce fantastique lot, un ‘Madness introduit de main de maître par Del ("In the year 3030 everybody wants to be an MC / a DJ / a producer... / In the year 3030, everybody wants to tell you the meaning of music") caractérisé par un refrain plus lent, ou encore la ritournelle obsédante de "Things you can Do" et ses voix accélérées.
Les collaborateurs, ici bien plus que de simples faire-valoir, s’en tirent également avec les honneurs. C’est le cas de Paul Barman, protégé de Prince Paul et loser n°1 de la scène indépendante, sur le charmant "Meet Cleofis Randolph the Patriarche". C’est le cas de Sean Lennon, sur les sratches et les trompettes du magique "Memory Loss", qui retrouve fort à propos le timbre et l’intonation de son Beatle de papa. C’est enfin celui de l’étonnant "Time Keeps on Slipping", où Damon Albarn, le chanteur de Blur, en quête perpétuelle d’un nouveau souffle, chante avec une voix de fausset méconnaissable, accompagné par un harmonica et par des scratches qui se battent en duel, sur fond de beat insistant et interminable. Et pour couronner le tout, même les interludes sont indispensables, à l’image du très B.O. "The News".
L'inventivité de Kid Koala, l'univers particulier et attachant de Del, les compositions amples et la sensibilité pop (au bon sens du terme) de The Automator concourent à créer l’alliance la plus formidable depuis des siècles, une rencontre au sommet qui remplit enfin ses promesses. Certes, pour être tout à fait honnête, il faut mentionner quelques moments un peu longuets comme "Battlesong" et "Love Song", où les deux autres laissent le pauvre Del un peu à l’abandon. Il faut aussi signaler un usage plus que déraisonnable des cordes. Mais celles-ci apparaissent toujours fort à propos. A aucun moment, Deltron 3030 n'est confronté à la lourdeur d’un hip hop symphonique et prétentieux. The Automator n’a pas d’égal pour fluidifier et rendre accrocheur le morceau le plus chargé.
Deltron 3030 est donc bel et bien l’œuvre attendue, le disque inespéré. Déjà, partout, dans toutes les critiques et discussions qui portent sur cet album, se multiplient les comparaisons avec Dr. Octagon. C’est un signe on ne peut plus clair du niveau atteint par celui-ci. Osons donc donner notre propre jugement du Deltron 3030 et couper la poire en deux. Si historiquement, ce son n’étant plus si neuf, l’effet de surprise sera moins fort que pour l’autre grande œuvre de the Automator, artistiquement, ce nouvel album, plus cohérent et moins inégal, le dépasse. Oui. Vous avez bien entendu. Alors ne restez pas planté là, béat face à cette page et l'oeil dubitatif : courez vous accaparer cet incomparable chef d’œuvre.
Fil des commentaires
Adresse de rétrolien : https://www.fakeforreal.net/index.php/trackback/37