L'avènement du rap dans les années 80 a popularisé ces principes, en même temps qu'il les a fait passer au second plan, malgré des morceaux d'anthologie, comme les "Terminator X Speaks with his Hands" et "Terminator X to the Edge of Panic" de Public Enemy, ou encore le "DJ Premier in Deep Concentration" de Gangstarr. Starification oblige, les MCs ont peu à peu volé la vedette à leurs DJs. Evolution confirmée dans les années 90, qui voit les producteurs supplanter ces derniers : les nouvelles technologies, le sampler en particulier, permettent de se dispenser des virtuoses des platines.
Toutefois, l'art de manier les turntables n'a pas disparu. Entre-temps, des batailles de DJs, organisées notamment par le Disco Mix Club (DMC) à partir de 1987, entretiennent la flamme. Elles permettent aux techniques de s'affiner et aux possibilités de se multiplier : de nouveaux types de scratches apparaissent (flare, crab, tweak, slur, chirp, tear, orbit, uzi, hydroplane...), ainsi que le beat juggling, le strobing, qui libèrent les DJs des disques qu'ils jouent et leur permettent de créer leurs propres compositions. Le besoin de réglementer ces batailles de DJs et de leur assurer un jugement impartial aboutit finalement à la création d'une International Turntablism Federation (l'ITF), qui organise son premier championnat en 1996.
Le terme de turntablism lui-même apparaît en 1995, défini par Babu des Beat Junkies, pour distinguer le DJing, acte créatif à part entière, du simple fait de passer des disques. Dans le même temps, sortent les compilations Return of the DJ (sur Bomb Records) et Deep Concentration, les Subterranean Hitz de Wordsound, les Altered Beats d'Axiom, les compilations Vallis du touche-à-tout omniprésent Bill Lasswell, premiers témoignages discographiques à attirer l'attention du public, rap et au-delà, sur cette nouvelle génération de DJs hip-hop.
A cette occasion, s'illustrent les artistes phares de cette nouvelle tendance : les Invisibl Skratch Piklz (le jeune A-Trak, D-Styles, Yoga Frog ainsi que les déjà célèbres Shortkut, Q-Bert et Mixmaster Mike) ainsi que les Beat Junkies pour la côte Ouest ; les X-Men (Mr. Sinista, Roc Raida, Total Eclipse et Rob Swift) pour la Côte Est. D'autres ensembles moins illustres apparaissent, parmi lesquels les Supernatural Turntablist Artists, les 1200 Hobos, le 5th Platoon, les BulletProof Scratch Hamsters et les Space Travelers. Les femmes ne sont pas en reste, avec DJ Snowhite et Kuttin Kandi, membre de 5th Platoon et d'un collectif exclusivement féminin, Anomolies.
L'évolution du genre est entre les mains de ses géniteurs. Ses détracteurs ne manquent pas de signaler les prétentions artistiques et intellectuelles de certains turntablists : nombre de ces DJs font l'étalage minutieux de leur technique et de leur virtuosité, tandis que l'ITF cite à loisir les compositeurs avant-gardistes John Cage et Pierre Schaeffer, qui ont tous deux, il est vrai, prôné l'usage des électrophones comme instruments à part entière. De telles ambitions ont souvent très mal fini dans le monde des musiques populaires. Cependant, même si peu d'albums de turntablism sortis à ce jour tiennent vraiment la longueur, excepté peut-être le X-pressions des X-ecutioners, nombre de morceaux signés par les turntablists démontrent que l'instinct, l'émotion, la soul, sont toujours en ligne de mire de ce hip-hop là.
L'International Turnablism Federation possède son propre site Web, lequel contient de nombreuses informations sur les acteurs, l'histoire, le développement, les techniques et les instruments de ce nouveau genre musical. Il permet aussi de s'abonner à la mailing list des turntablists.
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