Cet album, malheureusement, paraîtra sans doute trop électronique au noyau dur des fans de hip hop, et trop soul à toute une partie du public francophone, injustement rétif à ce genre de roucoulades. Dommage, car l'album parvient largement a regénérer la musique britannique, et à lui adjoindre un frisson généralement réservé aux musiques noires.
Grand Central / PIAS :: 1998 :: acheter ce disque
Le rap anglais, cette plaisanterie, semble retrouver un peu de couleurs en cette fin de décennie. Soucieuse de redevenir plus soul et plus sexy, toute une partie de la scène post-rave redécouvre le hip hop, qui s'immisce de plus en plus dans ses recettes électroniques. Comme si, après que la pop 60's se soit réclamée du blues et le punk 70's du reggae, les blancs-becs britanniques avaient encore besoin d'être légitimés par une musique noire, évidemment bien plus noble que leurs pitreries habituelles. Le résultat n'est évidemment pas toujours très heureux, la plupart des DJ's se contentant d'intégrer scratches faciles et grosses ficelles hip hop à leurs bidouilleries électroniques.
Mark Rae (fondateur du label Grand Central) et Steve Christian, coeurs d'une scène à Manchester dont l'attachement au hip hop ne date pas d'hier, ne sont pourtant pas de ceux-là. A en croire la collaboration sur Northern Sulphuric Soul, leur premier album, de deux poids lourds de la scène rap américaine (les Jungle Brothers et Jeru the Damaja), habituellement peu soucieuse du hip hop britannique, l'aura et la crédibilité des deux DJ's ont largement dépassé leur pays d'origine. Même si d'aucuns affirmeront que les rappeurs américains susnommés sont des artistes en perte de vitesse qui cherchent davantage à sauver les meubles qu'à définir de nouvelles voies...
A priori, d'ailleurs, rien ne sépare cet album des productions actuellement en vogue en Grande-Bretagne. Les deux auteurs proposent certes un disque aux fortes intonations rap, mais sur une base principalement house et pop. Un tiers des morceaux bénéficient en effet du magnifique chant soul de Veba, qui vient justifier le titre ingénieux donné au disque, et qui atteint son paroxysme sur le superbe "Fool". Un autre tiers comprend de délicats instrumentaux plutôt house. A noter aussi la participation de Sharleen Spiteri, la chanteuse de Texas, qui poursuit ses fréquentations hip hop (elle a également côtoyé le Wu-Tang) et retrouve sur "The Hush" un semblant de crédibilité.
Les titres vraiment rap n'occupent donc qu'une minorité de Northern Sulphuric Soul. Corrects et académiques, ils ne révolutionnent pas le genre. Ils abaissent même le niveau d'une oeuvre qui tutoie par moments le sublime. Cet album, malheureusement, paraîtra sans doute trop électronique au noyau dur des fans de hip hop et trop soul à toute une partie du public francophone, injustement rétif à ce genre de roucoulades. Vraiment dommage, car l'album parvient largement a regénérer la musique britannique, et à lui adjoindre un frisson généralement réservé aux musiques noires.
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