Lasse d'une industrie techno omniprésente et tapageuse et des cérémonies façon Love Parade, une partie de la scène électronique germanique s'est réfugiée précocement, dès 92-93, dans des grooves plus souples et plus humains, qui ont depuis largement conquis les scènes française et britannique. Navigant entre techno astucieuse, trip hop cajoleur et acid jazz forcément ennuyeux, via le label Cheap de Patrick Pulsinger, Mego, Sabotage et surtout G-Stone, le plus groove d'entre eux, Vienne est l'un des hauts lieux de cette nouvelle orientation.
!K7 :: 1996 :: acheter ce disque
Peter Kruder et Richard Dorfmeister sont les figures de proue de G-Stone et de cette nouvelle scène viennoise. Le premier issu d'un groupe hip-hop, The Moreaus, le second, d'un autre groupe nommé Sin, s'étaient illustrés auparavant par leurs remixes d'artistes aussi divers que William Orbit, Bomb the Bass, Rockers Hi Fi, Alex Reece, voire que les rappeurs de Bone Thugs & Harmony. En 1996, leur trace discographique la plus significative est à ce jour, mis à part l'introuvable EP G-Stoned (dont la pochette exploitait leur ressemblance avec Simon et Garfunkel), leur collaboration à la collection DJ Kicks, initiative du label allemand Studio K7, et qui a vu la participation de personnalités aussi diverses que Carl Craig, Nicolette, les Rockers Hi-Fi, DJ Cam et Smith and Mighty.
The Herbaliser ("A Mother") et Statik Sound System ("Revolutionary Pilot") sont les seuls artistes vraiment connus parmi les les gens présents sur ce disque, tous mixés sur un rythme downtempo cool et sensuel, sur fond d'épaisses lignes de basse. Et cela quel que soit le style utilisé : drum'n'bass (le superbe jazzstep "Spellbound" de Tango, "Give my Soul" des Lab Rats, "In Too Deep", de JMJ & Flytronix, ou le moins notable "Aquasky" de Kauna), abstract hip-hop ouaté ("A Mother") et académique (la terrible rythmique et la voix éthérée de "Shoalin Satellite" de Thievery Corporation), et dub ("Revolutionary Pilot" de Statik Sound System, "Livin' Free" de Small World et ses accents soul).
Très peu de titres, finalement, dépassent de DJ Kicks et s'affichent comme des singles. Parmi les quelques morceaux atypiques, et donc nécessairement marquants, notons "Never Say ?" de James Bong, "Dadamnphreaknoizphunk ?" seul titre de l'album un tant soit peu techno, les accents hispanisants du "Que Dolor" de Spanien, le funky "Keep on Believing" de Beanfield, l'easy rigolo "Radio Burning Chrome" de Showroom Recordings (la bande à Pulsinger, justement), et plus encore, les deux titres splendides qu'ils ont eux-mêmes composés, "High Noon", long morceau tripé parcouru d'un harmonica, et les breakbeats midtempo de "DJ Kicks", créé comme son nom l'indique pour l'occasion.
Au total, même s'il souffre l'absence de hits, ce DJ Kicks est un très bon disque de trip hop, appellation qui cessera d'être honteuse lorsqu'on en aura viré de nos mémoires musicales Hoover ou pire, Sneaker Pimps, à grands coups de pied dans le cul. Profitons donc de DJ Kicks, qui grâce à !K7, bénéficie d'une excellente distribution, car il restera probablement le seul véritable album du duo autrichien. Richard Dorfmeister, le plus actif, se consacre dorénavant davantage à son autre projet, Tosca (un album, Opera, en 1997), avec son ami d'enfance Rupert Huber.
Fil des commentaires
Adresse de rétrolien : https://www.fakeforreal.net/index.php/trackback/1179