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4 HERO - Two Pages

Albums electro

4 HERO - Two Pages

Il est légitime, lorsqu'un genre musical triomphe auprès du grand public, que ceux qui en furent les premiers instigateurs récoltent les fruits du succès. Peut-être cela sera-t-il le cas avec ce double album monumental de drum'n'bass, Two Pages, dernière oeuvre des pionniers de 4 Hero.

4 HERO - Two Pages

Talkin' Loud :: 1998 :: acheter ce disque

Il est légitime, lorsqu'un genre musical triomphe auprès du grand public, que ceux qui en furent les principaux instigateurs récoltent les fruits du succès. Fort de l'étonnante audience du New Forms de Roni Size et du posse Reprazent, capables de s'être imposés au grand public et Outre-Atlantique, le label Talkin' Loud, en est venu à cette conclusion. Aussi sort-il avec les moyens et le marketing qui s'imposent (gros et beau livret, extension CD-ROM) un nouveau double album monumental de drum'n'bass, Two Pages, qui n'est autre que la dernière oeuvre de Dego MacFarlane et de Mark Mac, les pionniers de 4 Hero.

Personne n'a autant fait pour la drum'n'bass que 4 Hero. Leur histoire débute à la fin des 80's, au sein d'une radio pirate, Strong Island FM, où Mark, animateur, rencontre Dego, b-boy féru de hip-hop et de jazz. Commençant à travailler ensemble, ils créent alors le label Reinforced afin de promouvoir leurs propres productions. Découvrant les raves, jusque là étrangères à leur univers, ils y construisent leur réputation. Mettant au point un style hardcore envahi de breakbeat, 4 Hero accueillent alors sur leur label la crème d'un genre qui deviendra la jungle : Nebula II, Peshay, Arcon 2, ou mieux encore, Doc Scott et Goldie.

En 1994, alors que la jungle explose en Angleterre, le style de 4 Hero s'est largement émancipé du hardcore du début, pour évoluer vers des textures résolument free jazz. Un album la même année, Parallel Universe, aboutissement indépassé de la jungle, démontrera l'étendue de leurs talents, du hardcore au jazz, en passant par la techno de Detroit. Un souci de diversité qui conduira Mark ou Dego dans des projets parallèles, hip-hop et lounge avec Tek 9 et l'album It's Not what You Think it is !?!, techno avec Nu Era ou Jacob's Optical Stairway. Réputation et succès international de la drum'n'bass obligent, 4 Hero conclut finalement un contrat avec Talkin' Loud à la mi-97, dont le Earth Pioneers EP a été un premier fruit et Two Pages l'aboutissement.

La première page, la plus longue, est aussi la plus calme. Elle étale nonchalamment 11 plages clairement distinctes et reconnaissables faites du meilleur des musiques noires : soul, jazz, rare groove. Le tout, sans ennui et sans prétention. Quelques raps font irruption ("Loveless" avec Ursula Rucker, "The Action" avec Ish), et plus souvent, quelques chants ("Escape That" interprété par Face, "Cosmic Tree", "Star Chasers"), pour accompagner des morceaux très orchestrés (les choeurs de "Golden Age of Life", interprété par Carol Crosby, les violons et le saxophone de "Planetaria", d'autres cordes sur le brillant "Spirits in Transit", les cuivres et la guitare accoustique de "Third Stream"). 4 Hero abandonne même un moment sa drum'n'bass pour une reprise de Patrice Rushen, "Wishful Thinking". Grande réussite, avant l'apothéose de "Universal Reprise", reprise de "Universal Love", un titre du précédent album.

Curieusement, la deuxième page, plus incisive et plus dancefloor, plus conforme à l'ancien univers du duo aussi, est nettement moins accrocheuse que la première. Cela commence pourtant très fort avec la hardstep rentre-dedans de "We Who are not as Others". A l'image de ce morceau, la jungle reprend ses droits sur les titres suivants : le minimaliste "In the Shadows", tout en percussions si ce n'est la seule et même note répétée à l'infini, l'inquiétant, obsessionnel et offensif septième morceau, écrit dans un alphabet imaginaire ou le morceau de clôture "Dauntless". Bref, un ensemble étourdissant quelquefois aéré de bizarreries comme "Humans" ou "Wormholes" ou, de façon prolongée, de plages plus souples comme "Mathematical Probability" et son extension "Greys", ou un "Pegasus 51" aux accents de hip hop assagi.

Two Pages mérite donc amplement son nom de double album, tant les deux CDs qui le composent sont clairement distincts, opposés, antagoniques. Et les deux de 4 Hero leur réputation, tant les morceaux et les styles abordés ici sont divers, tant ils atteignent sans forcer l'excellence dont Dego MacFarlane et Mark Mac sont devenus synonymes. Seule une énigme comme a souvent connu l'histoire de la musique, et peut-être un excès de purisme, empêchera donc ces maîtres d'atteindre le succès de leurs brillants élèves devenus pop stars. Et rien de s'inscrire définitivement dans le panthéon musical de ces 90's.

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