Les temps ont changé depuis Enter the Wu-Tang. Brinquebalant comme une démo, le premier album du Clan n'avait offert comme repères qu'une pochette en quasi noir et blanc, avec six membres du posse non identifiés. Le nouvel album, à l’inverse, est double, il comprend une partie CD-ROM, et s’accompagne d’un épais livret où chaque rappeur a droit à plusieurs photos et crédits personnels.
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Les temps ont bien changé depuis Enter the Wu-Tang. Le premier album du Clan, brinquebalant comme une démo, n’offrait comme points de repère qu’une maigre pochette, avec quelques crédits et une photo quasiment en noir et blanc de six membres du posse, non identifiés. Le nouvel album, à l’inverse, est double, il comprend une partie CD-ROM (sur lequel vous pouvez visiter les chambres de nos 9 héros, remplies de katanas et de bouteilles, et en fin de course, aller voir le RZA qui vous montre des échantillons de leurs vidéos), et il s’accompagne d’un épais livret où chaque rappeur a droit à plusieurs photos et à des crédits personnels. Ajoutez à cela des pages de pub pour les Wu-Wears et pour leurs sites Web.
Pourtant, malgré cet arsenal impressionnant, Wu-Tang Forever est en-dessous de son prédécesseur. Enregistré à la va-vite s (incapables de travailler à New-York, où des dizaines de potes leur tombaient dessus en permanence, les neuf ont dû s’installer chez les rivaux de la côte Ouest), l’album est mal fagoté. Si bien qu’au lieu de commenter chacun des 29 titres dont beaucoup sont décevants ("Cash Still Rules", par exemple, suite peu passionnante au classique "C.R.E.A.M."), il vaut mieux commenter directement les perles que le Clan n’a pas manqué de proposer.
L’album, plus exactement le premier CD, commence bien. Le morceau introductif, "Wu-Revolution", interprété par deux rappeurs séniles et inconnus (Uncle Pete et Poppa Wu), souffre des beuglements d’un MC éploré en arrière-plan dans le style engagé de la soul du début des années 70 (Save the children ! Revolution !). Mais grâce à une musique discrète et cinématographique comme seul le RZA sait les construire, il s'instille aisément jusqu'à notre cerveau. Suivent deux cartons : "Reunited", et ses solos de violons dérangés, et "For Heaven's Sake" avec son sample qui s'emballe ingénieusement. Le reste du premier CD est inégal, mais a le mérite de s'achever par trois morceaux somptueux : un "Maria'" aux relents misogynes (nouveau violon énervé), "A Better Tomorrow" et sa poignante leçon de vie ("You can’t party your life away, drink your life away, smoke your life away, fuck your life away... cause your seeds grow up the same way"), peut-être même le meilleur titre du Clan depuis... "C.R.E.A.M.", et enfin "It’s Yours".
Le deuxième CD est plus long (78 minutes), et après plusieurs écoutes, il s'avère supérieur. Les morceaux moins bons y sont mieux répartis. Après une intro vindicative qui règle ses comptes au genre épouvantable qui a usurpé le nom du R&B ("Rap and Bullshit"), le Wu renoue avec l’excellence grâce à ses incantations prophétiques sur les thèmes Black Music traditionnels : pauvreté, drogue, errances, dérives et appel à la responsabilité. A noter, "Little Ghetto Boy", qui reprend le sample du classique de Donny Hattaway, ainsi que les violons de "Bells of War", plus calmes et synthétiques que les précédents, ou encore ce "Dog Shit" qui aurait pu être le meilleur titre du skeud d’ODB. L’album finit on ne peut mieux par une série de morceaux à la fois calmes et efficaces, dont un, quasi New Jack, chanté par Tekhita, et deux remixes qui reproduisent l’ambiance du premier opus.
En somme, Forever vaut son prix, même s’il est inférieur à Enter the Wu-Tang, Liquid Swords et Only Built 4 Cuban Linx. Il faudra toutefois en retenir le goût, puisqu'il est parait-il le dernier Wu-Tang au complet avant le prochain millénaire.
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