Aussi prestigieux soient les noms de Buffalo Springfield ou de Crosby, Stills & Nash, le sommet de la carrière prolifique de Neil Young n'est pas à rechercher parmi ces références d'un autre âge. Sa personnalité de vieil indien ne s'est pas toujours accomodée du partage des tâches. De fait, jamais Neil Young n'a été aussi éclatant que seul, ou tout du moins aux commandes de ses chansons. After the Gold Rush, son troisième album solo le confirme magnifiquement. Même si Jack Nitzsche, son groupe le Crazy Horse, un Nils Lofgren alors adolescent et l'incontournable Stephen Stills y participent, tous se soumettent à la nature tourmentée du Canadien.
Après les guitares orageuses de cet autre classique qu'est Everybody Knows this Is Nowhere, l'album électrique enregistré avec les gars pas faciles du Crazy Horse, Neil Young se découvre des préoccupations d'écologiste et il s'adonne à un country-folk dépouillé. Bien avant le plus convenu Harvest, qui reprendra la même imagerie de vieux hippy au coin du feu, le Canadien nous offre ici, dès 1970, avec cette B.O. d'un film homonyme mais qui n'est jamais sorti, ce qui pourrait bien être la plus grande œuvre d'une carrière qui en compte bien davantage.
After the Gold Rush, à première écoute, n'a pas l'allure d'un classique. En dépit d'un succès commercial certain, il tardera à être reconnu à sa juste valeur. Peu produit, peu accompagné, Neil Young est toujours à la limite du faux, de l'approximation. Mais justement, il rappelle ici que la virtuosité est rarement au fondement du bonheur que l'on trouve dans la musique. Qu'au contraire c'est l'interprétation, aussi banale semble-t-elle, qui fait l'œuvre.
Sans excès, tour à tour, il impose sa voix sur de petites gemmes aussi touchantes que courtes. Il est de ceux qui plantent le décor avec trois fois rien. Sur "Tell me Why", une bête guitare accoustique, sa voix d'adolescent et quelques chœurs suffisent, en un instant, à bâtir une merveille.
Plus apprécié et plus connu est cependant "After the Gold Rush", titre éponyme où le chant de Neil Young, plus fragile encore, au bord de la rupture, s'accompagne cette fois d'un simple piano et d'un cuivre quelconque.
Plus célèbre encore, "Only Love can Break your Heart" doit bien se placer au palmarès des titres les plus repris de l'histoire de la musique. Il est si beau qu'il pose une question : par quelle magie une mélodie si tranquille et des paroles aussi simples peuvent-elles conserver la même résonnance des années après leur enregistrement ?
Nous restons dans les classiques avec "Southern Man". Cette charge contre le racisme des blancs du Sud, elle-même pas exempte de préjugés (elle vaudra au chanteur une célèbre pique de la part de Lynyrd Skynyrd), est l'un des deux morceaux électriques de l'album, dans la droite lignée des guitares sombres et minimales de Everybody Knows this Is Nowhere.
C'est un intermède long et agité nécessaire, avant que After the Gold Rush ne reprenne un train-train country folk avec le bref et l'agréable "Till the Morning Comes", et l'harmonica triste de "Oh, Lonesome Me". Ce morceau, emprûnté à Don Gibson, se rajoute à la longue liste des reprises qui transcendent les originaux. Même si ce n'est là qu'un en-cas, avant les nouvelles merveilles qui attendent.
"Don't Let it Bring you Down" confirme que les perles s'enfilent comme sur un collier avec After the Gold Rush. Ici, la touche de magie provient du contraste entre la main lourde qui appuie sur les touches du piano et la voix haut perchée et mordante de Young. Même si l'instrument utilisé est le même sur "Birds", le morceau se distingue des précédents. Cette fois, le Canadien et ses chœurs se livrent à une sorte d'incantation, où dominent l'apaisement et l'abandon.
"When you Dance you can Really Love" est l'autre moment électrique de l'album. Plus léger que le précédent, dans tous les sens du terme, il est néanmoins un élément important du puzzle assemblé sur After the Gold Rush. Même s'il est moins marquant que le très poignant "I Believe in You", moitié chant d'amour, moitié complainte. Et que le beaucoup moins triste "Cripple Creek Ferry", la fin brève d'un album dont l'ambiance générale reste à définir. Ni vraiment joyeux, ni vraiment sombre, ni vraiment apaisé, ni vraiment colérique. Mais simplement juste.
Fil des commentaires
Adresse de rétrolien : https://www.fakeforreal.net/index.php/trackback/3298