Cette fois, les choses sont claires. Après une année d'accalmie, l'OPA du Wu-Tang sur le rap a repris de plus belle. Ce Silent Weapons for Quiet Wars le confirme, qui marque aussi le lancement de la réserve du Clan. Le groupe Killarmy nous invite en effet à faire connaissance avec six autres rappeurs aux noms toujours aussi évocateurs : 9th Prince, Killa Sin, PR Terrorist, Beretta 9, Shogun Assason, Islord.
Priority Records :: 1997 :: acheter ce disque
Le RZA ne se contente pas de lancer de nouveaux MCs ; il a aussi laissé son bras droit 4th Disciple produire leur disque, se contentant lui de le superviser, et ne produisant que trois titres. Même avec ces seconds couteaux, cette nouvelle entreprise est cependant une nouvelle réussite. Le résultat sonne plus Wu-Tang que nature, et il est aussi bon. Le disciple confirme sur ce disque qu'il sait prolonger du génie du maître, même si ses sons sont plus lisses, plus accessibles, moins bancals. Quant aux six de Killarmy, agressifs, assoiffés et sans doute jaloux de la gloire de leurs aînés, ils ont sur cet album un côté incisif que le Clan a perdu. Une qualité en accord avec la thématique guerrière (treillis, braillements militaires) choisie, et qui rompt avec l'imagerie kung-fu et les délires de mafiosi habituels.
Silent Weapons commence, avec un son minable, par le générique d'une série américaine quelconque, qui nous parle de mass murdering et d’autres joyeusetés du genre, une entrée en matière suivie aussitôt par les hurlements de Killa Sin sur "Dress to Kill". Beat et mélodie minimaux : nous sommes bien en territoire Wu-Tang. Seuls des bruits d'hélicoptères nous rappellent la marque de distinction de Killarmy. Mêmes paysages familiers avec "Clash of Titans", épousailles rêvées des pianos désaccordés d'Enter the Wu-Tang et des violons généreux de Wu-Tang Forever. Le son se fait moins baroque et plus funky sur "Burning Season", avec ce gimmick sautillant et ces basses énormes, et en sus des sirènes, des fusils et des crépitements de mitraillettes. Tout autre chose sur "Blood for Blood" et sa voix féminine singulière qui vient hanter les refrains de vocalises orientalisantes.
"Seems it Never Fails". Le titre du morceau suivant pourrait tout aussi bien être le slogan du Wu, même si son phrasé hardcore et ses trompettes lointaines n'ont font pas le meilleur moment de l'album. "Universal Soldier" n'a quant à lui rien à voir avec le navet de l’inénarrable Jean-Claude Van Damme. Ici, l'ambiance est à l'angoisse, rehaussée, là encore, par les paroles d'une femme que l'on soupçonne 4th Disciple d'avoir accéléré un brin. Enfin (on trépignait d'impatience), le RZA vient se salir les mains sur les deux morceaux suivants. "Love, Hell or Right" n'est qu'une brève discussion (on pige que dalle) sur fond de trompettes mariachis (???), mais avec "Wake up", comme le nom l'indique, nous entrons au cœur du sujet, et dans une série de quatre morceaux tout bonnement époustouflants.
"Wake up", donc. Pour comprendre l'écart qui existe entre le RZA et 4th Disciple. Ici la musique se fait linéaire, entêtante avant que de subtiles variations ne la basculent dans une autre dimension. L'essence même de l'art du gourou du Wu-Tang. Et comme en plus, les rappeurs de Killarmy sont ici impeccables... On tombe une fois encore à la renverse. C'est pourtant 4th Disciple qui signe le hit, le coup de poing dans le ventre, le vrai carton de l'album, "Fair, Love and War".
"Aaah" féminins encore sur le single "Wu-Renegades", sur fond de raps discrets, piano soyeux et violon effilé. Un son digne du meilleur RZA, en plus généreux. Le début de "Full Moon", ultime titre de ce carré d'as, pourrait nous faire croire à un titre soul. Mais Killarmy n'y abandonne rien de son radicalisme. Un synthé, sorte de sifflement mortuaire, nous transporte encore dans une autre ambiance.
"Under Siege" et ses hurlements militaires nous ramènent cependant sur terre. Le morceau colle parfaitement à la thématique de l'album, mais on s'en serait passé. Bizarrerie à nouveau avec "Shelter", toutefois plus détendu que ses prédécesseurs. "Camouflage Ninjas" est l'autre single tiré de Silent Weapons..., et les références orientales habituelles au Wu-Tang y apparaissent. A part ça, le morceau, parsemé de voix souls et de scratches furieux, et donc assez conventionnel, est très bon. Meilleur encore est "Swinging Swords"., avec sa nouvelle voix féminine (Billie Holiday, carrément), qui offre aux six de Killarmy un repos du guerrier mérité.
L'album finit, et c'est dommage, sur deux de ses morceaux les plus faibles : le braillard et sans surprise "War Face", et un "5 Stars" construit autour d'un sample de M.A.S.H. 20/20 en rédaction, on n'a donc jamais été hors-sujet avec ce disque guerrier. Plus compact et cohérent que Wu-Tang Forever, Silent Weapons prouve que si les jours fastes des années 93 à 96 sont bel et bien passés, le Wu-Tang, épisodiquement, est toujours dans le coup en 97. Dommage, compte-tenu de sa qualité, que cet album ne soit disponible en Europe qu'en import.
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