GUCCI MANE & WAKA FLOCKA FLAME – Ferrari Boyz

GUCCI MANE & WAKA FLOCKA FLAME – Ferrari Boyz

En 2011, aucun rappeur n’est plus important que Gucci Mane et que son disciple Waka Flocka Flame. Alors que le premier a fait de sa déclinaison de la trap la musique de son époque, c’est tout le rap que le second a réveillé l’année passée, avec le monumental Flockaveli. Ayant défini la musique de leur temps, ils sont donc observés de près au moment de sortir cet album commun, Ferrari Boyz, où s’affairent aussi toute la bande à Waka Flocka (Wooh Da Kid, Ice Burgandy, YG Hootie), d’éminents représentants d’Atlanta comme 2 Chainz et Rocko, et puis à la production, entre autres, Southside et Lex Luger, les autres responsables du son du moment.

Cependant, Gucci Mane et Waka Flocka ne font rien de ce qui est attendu. Ou plutôt si, ils le font. Si cette sortie récolte alors des critiques mitigées (en plus de celles des puristes habituels), c’est que les deux d’Atlanta n’y mettent pas les formes. Tout cela a beau sortir sur la major Warner, ça a été assemblé vite fait, en deux semaines. Les rappeurs ne présentent même pas Ferrari Boyz comme un album commercial, mais comme une « street release ». Et de fait, à peu de chose près, Gucci Mane et Waka Flocka prolongent l’esthétique du média dominant de leurs carrières respectives : la mixtape.

C’est la même routine que sur ces sorties sans filtre, celles de gaillards du crime qui cheminent dans le quartier à bord de leur ‘rari, qui débarquent dans le club comme en terrain conquis et qui philosophent sur la dure condition de dealer. Celle de fiers-à-bras à l’ignorance revendiquée, pour qui les filles sont, tout comme les drogues (cocaine et codéine en premier lieu), un produit de consommation courante. C’est du rap égotiste, insensé, délirant, mais qui malgré tout, sans le vouloir, dit quelque chose de son contexte, comme quand Waka Flocka compare les stripteaseuses à des zombis nourris d’argent et de sexe, sur « Feed Me ». Ou quand en contrepoint, sur « She Be Puttin’ On », les deux décrivent leur idéal féminin sous les traits d’une compagne indépendante.

Ferrari Boyz rappelle aussi dans quelle mesure ces deux hommes, issus pourtant d’un registre marqué par les stéréotypes, sont dissemblables. Gucci Mane déclame mine de rien un rap marrant et mélodique, pendant que Waka Flocka défonce les tympans de l’auditeur avec ses coups de boutoir verbaux, prenant au sens premier le terme de « banger ».

Et des bangers, il y en a quelques-uns, avec les sons qui aident, comme d’entrée, avec l’éclatant « Ferrari Boyz » produit par Drumma Boy. Ou plus tard avec le claironnant « In My Business », avec Rocko, quand les deux rappeurs s’essaient à une trap music motivationnelle à la mode de Jeezy. Peu de titres sont mauvais, et certains sont remarquables comme le « She Be Puttin’ On » susnommé.

Alors non, ce n’est pas un autre Flockaveli, très loin de là. La comparaison n’a pas lieu d’être, et l’album finit en eau de boudin. Mais Waka Flocka et Gucci Mane s’exprimant ensemble sur tout une heure en plein milieu de l’année 2011, ça ne s’ignore tout de même pas aussi aisément.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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