COMPILATION – The Mobb Tape

Avec la sortie le même jour des mixtapes Rich B4 Rap et Heroin Music, Z Money est devenu l’un des rappeurs marquants de 2013. Et il ne s’arrête pas en si bon chemin. L’homme de Chicago a beau être pris par ses activités entrepreneuriales (avant même de rapper, il a investi dans l’immobilier et ouvert un restaurant nommé Emma, en hommage à sa grand-mère et à sa cuisine), il n’oublie pas de délivrer sa musique. Pour 2014, en effet, il nous promet rien de moins que trois nouvelles tapes. Et dès janvier, il a proposé une compilation de travaux de son propre collectif, la 4Ever Paid Nation.
Cette Mobb Tape révèle des titres de tout un tas de gens, Lil Boss Polo, Brickfare, Country Cool, Bank Roll, Yung Boss et Ko the King, entre autres. Mais une personne surnage : Z Money lui-même. D’abord, parce qu’il fournit le gros du travail, signant huit titres sur vingt, et secondant Country Cool sur le chouette « Umma Dog ». Ensuite, parce que ses interventions sont souvent les meilleures. Il domine les débats par son charisme de grand farfelu dégingandé. Il écrase la concurrence avec des réussites comme « Mexico » et le mélodique « Rollin' ». Ses amis, des rappeurs de rue plus banals, ne sont pas à la hauteur de son rap ironique et imparable.
A en croire le rappeur lui-même, son modèle est Gucci Mane. Rien de surprenant, l’influence de ce dernier étant généralisée chez les rappeurs des années 2010. Mais alors que ses voisins de la scène drill retiennent de la trap music d’Atlanta le côté belliqueux et explosif de Waka Flocka Flame, Z Money lui, qui est issu d’un autre quartier de Chicago (Westside, pas Southside), pousse à son paroxysme ce qui a été l’innovation majeure de Radric Davis : ce rap aux allures de comptines gangsta, chantonné l’air de rien à la manière de ritournelles, quoique politiquement très incorrect.
Z Money, c’est du Henri Dès en version trash. Ce sont des rengaines soutenues par de petites mélodies aussi minimalistes qu’entêtantes, accompagnée de paroles simplettes, déclamées de manière outrancièrement répétitive. Autrefois, ta nounou te prenait dans les bras en te chantant « Une souris verte » de manière mécanique, la tête ailleurs, en pensant peut-être à sa prochaine partie de jambes en l’air. Et maintenant que tu as grandi, c’est un grand noir déglingué qui te berce, entonnant à la place des « bitch is on my dick » ou des « selling dope ».
Autrefois, Eazy-E et quelques autres ont eu l’idée géniale de rapper les paroles les plus absurdement offensives, à la manière d’un adolescent décérébré en rut, et dans la foulée ils ont créé de multiples émules. Aujourd’hui, Z Money et compagnie parachèvent le travail. Ils étendent cette approche régressive à la musique elle-même. Et ces épousailles entre des mélodies presque innocentes et des paroles qui ne le sont pas, axées qu’elles sont sur les seuls thèmes du sexe, de la drogue et de l’argent, c’est tout ce qui fait la saveur de cette Mobb Tape. C’est ce qui garantit son caractère jubilatoire, parfois sans Z Money, mais bien plus encore quand c’est lui qui est aux commandes.