COKE BOYS & EVIL EMPIRE – Coke Boys 2

COKE BOYS & EVIL EMPIRE – Coke Boys 2

2011 est le point de bascule pour French Montana. C’est l’année où le Marocain de New-York passe de l’ombre à la lumière. Celle où, déjà populaire dans l’underground après les mixtapes Coke Wave, il le quitte pour une exposition publique large. Et si l’heure sonne pour Karim Kharbouch, c’est comme toujours par l’intermédiaire d’un single décisif. Officiellement sorti en 2012, quand le rappeur se sera associé à Bad Boy Records et à Maybach Music Group, le minimaliste « Shot Caller », avec son histoire de fille trop bonne en quête d’un type plein aux as, est populaire à New-York dès l’année d’avant.

Et ce n’est pas que pour French Montana, que « Shot Caller » change la donne. C’est aussi pour son co-auteur, Rory Quigley, alias Harry Fraud. A sa suite de ce single, il devient un producteur en vue, l’un de ceux qui définiront le son de la fantastique décennie qui s’ouvre. A la suite aussi de Coke Boys 2, la mixtape où se trouve ce morceau (en tout cas dans sa version originale chez DatPiff, il a disparu des plus récentes…) et qui est, pour une grosse part, une collaboration entre les deux hommes.

Coke Boys 2 s’inscrit dans son époque. Max B étant désormais hors-circuit, c’est un autre larron, Chinx, qui seconde French Montana aux raps, appuyé par quelques autres membres de la bande qui nomme la mixtape. Mais on y trouve aussi les rappeurs du moment, ceux qui définissent la décennie qui s’ouvre comme Waka Flocka, 2 Chainz, et celui qui a marqué la fin de la précédente, Soulja Boy.

Les textes exaltent la drogue. Il est question de strip clubs (« Stylin On You »), de filles qui tournent la tête (« The Rush ») et plus généralement de sexe (« Bend You Over »). La posture est celle, outrée et excessive, de la trap music. La musique rap venue du Sud est bel et bien là, comme le montre cet entêtant « Whip » produit par Lex Luger dans son style le plus pur. Il y a aussi « Call Me Montana », qui s’empare de l’instru du « Tony Montana » de Future, et « Boo Billz Back », qui fait pareil avec celle de « Tupac Back », de Rick Ross et Meek Mill. Bref, pas d’erreur. A quelques anomalies près (ce « Tadoww » qui sonne d’autant plus West Coast qu’il pique sa musique au « Fuck Wit Dre Day » de Dr. Dre) : nous sommes bien en 2011. Nous sommes à cette époque où New-York a passé la main.

Et pourtant, la fibre new-yorkaise est là, à travers de vieux scratches, cet « Uptown » qui reprend le classique « Bucktown », de Smif-N-Wessun, les allusions à ces derniers et à D.I.T.C. sur « Shot Caller » et le boom bap fort en percussions de ce « Whatchu Want » où French Montana représente South Bronx. New-York est là, aussi, grâce au goût d’Harry Fraud pour le sample classieux. Exploitant en priorité un répertoire hard rock, de vieux groupes vintages (Captain Beyond, Nazareth) à un metal un peu plus récent (Danzig), il nous éclabousse d’entrée de son talent, avec le superbe « Ya Mean ».

Quelques morceaux produits par d’autres sont marquants, comme ce « Home Town » qui détourne la voix d’Adele. Mais les meilleurs, ce sont le plus souvent ceux d’Harry Fraud, comme avec les guitares langoureuses et languissantes dégainées sur « Stylin On You » et « Red Light », celle, plus cristalline, de « Cocaïne Mafia », avec Trae The Truth. Ou bien, à l’inverse de cette ambiance rock, comme avec ce « The Rush » très synthétique ou l’orgue contemplatif de « Tell Me When ». Le style Harry Fraud marque, d’autant plus qu’il s’accorde parfaitement au phrasé très mélodique du Marocain.

Avec « Shot Caller » et Coke Boys 2, French Montana et Harry Fraud redonnent toute sa place au berceau du hip-hop, dans ce paysage du rap où New-York finissait par être marginalisée. Avec brio, ils se joignent à cette grande fête qu’a été l’incroyable commencement de la décennie 2010.

Acheter la mixtape (version remaniée, sans « Shot Caller »)

The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

2 commentaires sur “COKE BOYS & EVIL EMPIRE – Coke Boys 2

  1. 1998 : Wanna Be a Baller – Lil Troy
    Wanna be a baller, shot caller
    Twenty inch blades on the Impala

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