N. K. JEMISIN – The Stone Sky (Les cieux pétrifiés)

N. K. JEMISIN – The Stone Sky (Les cieux pétrifiés)

De quand date donc la norme de la trilogie, dans les littératures de l’imaginaire ? A partir de quand cela est-il devenu un standard de la fantasy, voire de la science-fiction (ou encore, en ce qui concerne le présent ouvrage, de la science fantasy) ? De Tolkien, ironiquement, alors qu’il n’avait jamais destiné Le seigneur des anneaux a en être une ? Ou d’autres sources ? Je l’ignore. Toujours est-il que c’est ce format qu’a choisi N. K. Jemisin pour son cycle le plus célébré et le plus primé, celui de la Terre fracturée (The Broken Earth, dans le texte). Et qu’elle aurait peut-être dû s’en abstenir.

Le premier tome (La cinquième saison) avait presque fait illusion avec ses trouvailles : les trois héroïnes d’âges différents qui en réalité n’en étaient qu’une seule, la narration à la deuxième personne, ce style d’écriture vif et spontané, cette planète chamboulée par des mouvements telluriques depuis qu’elle a perdu sa lune, cette histoire au féminin dont l’un des thèmes centraux, exploré jusqu’aux ultimes pages de ce volume final, serait la maternité. Ces idées n’étaient pas toutes des innovations. Pas toujours bien exploitées, elles étaient des prétextes plutôt que de vraies raisons de célébrer l’auteur. Mais elles étaient à relever, et elles apportaient un peu de saveur au récit.

Ce récit, cependant, N. K. Jemisin a choisi de le diluer en trois volumes. Le deuxième (La porte de cristal), déjà, était déjà nettement moins intrigant que le premier. Et avec le troisième (Les cieux pétrifiés), au lieu de nager avec plaisir dans le flot délicieux d’une histoire immersive, on se noie au milieu de l’eau tiède, en recherchant désespérément la terre ferme.

Tout d’abord, il n’y a pas d’intrigue. Les deux héroïnes de l’histoire, Essun et Nassun, cheminent à travers leur planète agitée (oui, à travers elle, littéralement). Confrontées l’une comme l’autre aux malheurs d’un univers en déshérance, ces femmes qui, toutes deux, ont le pouvoir de dompter la matière, ont des visées contraires. Alors que la mère souhaite corriger les défauts du monde, quitte à disparaitre à l’issue du processus, la fille se résout à tout détruire. Et tout cela se dénoue à l’occasion de leurs retrouvailles, dans une confrontation finale aux dimensions cataclysmiques.

Et puis c’est tout. A part, un troisième récit tout aussi statique, mettant en scène ces créatures para-humaines que sont les mangeurs de pierre, les stone eaters, il ne se passe pas grand-chose de captivant. En-dehors des pérégrinations des héroïnes, il n’y a guère d’action, ni de surprise. Cela n’est fait que de dialogues creux, et de personnages falots dont on peine à comprendre la raison d’être. Voilà de quoi se composent les pages de cet ultime volume, avant de se solder par une apothéose pif paf badaboum digne du film le plus niais de la franchise Avengers, par une scène finale où tous les personnages secondaires se réunissent en rang d’oignons, pour ne servir strictement à rien.

Héros antagonistes aux pouvoirs extraordinaires. Magie surpuissante. Entités astrales quasi divines. Enjeux apocalyptiques. Finale à grand spectacle sans imagination. Cette trilogie de N. K. Jesimin, c’est de la mauvaise science-fiction de série que l’on a peinturlurée de concepts littéraires, de galimatias pseudoscientifiques, de bonnes intentions morales (parler des femmes, des minorités) et de semi-idées semi-originales, le tout pour lui donner un vernis de génie. Une fois de plus, on s’est fait avoir par une trilogie, un format dont la fonction n’est au fond, souvent, que la suivante : profiter d’une ou deux idées bien senties pour nous faire ingurgiter plusieurs kilos de mauvais papier.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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