10 des meilleurs albums rap de 2024

Un événement aura dominé l’année rap 2024 : le beef très médiatisé entre Drake et Kendrick Lamae. Et si celui-ci a été si commentée, cela ne doit rien au hasard. Cette confrontation est existentielle. C’est la nature et l’avenir du rap, qui en sont l’enjeu. Et il n’est pas certain que la dénouement de cette affaire ait été le bon.

Kendrick Lamar a gagné, sur tous les plans. C’est une évidence, et ça n’est que justice. Quand il reproche à Drake de s’approprier une culture qui n’est pas la sienne, l’accusation porte, elle est fondée. Et en ce qui concerne la musique, tout comme l’habileté verbale, il n’y a pas photo. Il n’y a jamais eu photo. Même si Kendrick n’a pas toujours été exempt de reproche, ses albums boursouflés et prétentieux ont toujours bien mieux valu que le rap gnangnan et patchouli de l’autre buse.

Ce qui est irritant, toutefois, ce qui a toujours été problématique avec Kendrick, c’est qu’il se pose en gardien du temple. « Not Like Us », s’intitule le coup de grâce qu’il a adressé à Drake. Tu n’es pas des nôtres. Il y a les vrais et il y a les faux. Et c’est du propos de zélote, un argument d’ayatollah.

Ces gens, se disputent la propriété du temple. Le rap a atteint ce stade où il est une institution. C’est une Eglise, avec les histoires de déviance sexuelle qui vont avec. Celles-ci, après tout, sous-tendent autant l’affrontement entre Drake et Kendrick que les considérations musicales. Et elles sont au centre de l’autre grande actualité rap qui a marqué l’année 2024 : les révélations écœurantes (mais pas vraiment surprenantes) sur P. Diddy.

Au bout du compte, on ne peut pas donner entièrement raison à Kendrick. L’appropriation culturelle, quand cela consiste à cacher au monde qui sont les véritables génies, les vrais originateurs, c’est moche. Mais dans l’absolu, c’est comme cela que fonctionne la musique. C’est comme cela qu’elle avance. C’est comme cela qu’elle progresse. C’est comme cela qu’elle échappe aux prescriptions et à l’imbécilité des fans.

Sans des Drake pour la bâtardiser et pour jouer les passeurs, il est probable que le rap s’assèche. Après tout, cela fait belle lurette que le vieux boom bap ne survit plus qu’à travers une secte d’ascètes ennuyeux. Et même la trap music a suivi cette voie, avec ces évolutions qu’ont été le Soundcloud rap ou la plugg, des sous-genres qui n’intéressent plus que des esthètes tristes aux manières d’expert-comptable.

Alors, sur qui compter en 2024 ? Qui pour prendre la suite, à présent que l’un de ses derniers grands génies créateurs, Young Thug, se débat avec ses problèmes judiciaires. Sur d’autres vieux, en fait. Sur les géants de la décennie passé, Chief Keef et Future, par exemple, qui tous deux ont sorti plusieurs albums remarquables. Voire sur des gens très anciens comme LL Cool J. Et puis aussi sur des rappeurs arty mais qui n’oublient pas de séduire, Tierra Whack par exemple. Sur des expérimentateurs qui deviennent accessibles, comme Mike, voire Mach-Hommy. Sur une relève qui sont bon l’immédiateté de la rue et de l’adolescence, comme BabyChiefDoit. Sur des fous furieux durablement habités, comme RXK Nephew.

Le rap a encore, espérons-le, beaucoup plus à nous offrir que des bisbilles entre deux millionaires bien installés au cœur de son industrie. Il a davantage à nous proposer que des scandales sexuels.

NOS 10 ALBUMS

Dans l’attente d’autres écoutes et de plus de recul, voici donc les dix bons albums de styles et de panorama très larges, que nous retiendrons à ce jour de l’année rap 2024.

BABYCHIEFDOIT – Animals Only

CHIEF KEEF – Almighty So 2

FUTURE & METRO BOOMIN – We Don’t Trust You

GLORILLA – Ehhthang Ehhthang

EDDIE KAINE & BIG GHOST LTD – Last Exit To Crooklyn

LL COOL J – The Force

MACH-HOMMY – #RICHAXXHAITIAN

MIKE & TONY SELTZER – Pinball

RXK NEPHEW – Till I’m Dead 2

TIERRA WHACK – World Wide Whack

LE CLASSEMENT DES LECTEURS

Mach-Hommy, Chief Keef, Future, etc. La concordance est bonne, cette année, entre les choix de Fake For Real et ceux des lecteurs. Peut-être parce que les votants, moins nombreux cette fois (c’est la participation la plus faible depuis 2014), ont été surtout les habitués purs et durs de ce vénérable blog.