ROMAIN BENASSAYA – Pyramides

Les centaines de passagers du Stern III ont quitté la Terre pour se construire une nouvelle vie sur Sinisyys, une planète bleue lointaine mais prometteuse. A travers les décennies, voire les siècles, ils parcourent l’espace, endormis. Mais quand vient le temps de quitter cette hibernation, la surprise est au rendez-vous. Ils se réveillent enfermés dans un endroit noir, sans étoile, sans voûte céleste, et recouvert d’un sol uniforme et poudreux. La forêt qui sert de poumon au vaisseau a subi des mutations étonnantes, tout comme les pucerons génétiquement modifiés qui sont censés l’entretenir.
Où donc sont arrivés les voyageurs ? Comment ? Et quand ? Combien de temps Eric Rives, numéro 2 de l’équipage et héros de l’histoire, a-t-il passé inconscient, avec ses compagnons de voyage ? Se trouverait-il à nouveau enfermé dans cette pyramide d’Egypte qu’il avait visitée autrefois, avec ses parents, et qui hantait ses cauchemars d’enfant ? Voici donc l’intrigue de ce joli roman de science-fiction. Voici donc les questions de base, celles qui nous tiennent en haleine. Elles nous poussent à tourner, l’une après l’autre, sans pause ou presque, en quête de réponses, les pages de ce livre.
Ce roman, pourtant, n’est pas sans reproche. Ses personnages, tous ou presque des gens gentils et courageux malgré leurs affrontements et leurs visées souvent antagonistes, sont quelque peu falots, voire franchement mièvres. Leurs psychologies sont simplettes et sommaires. Leurs relations suivent des cheminements bizarres, celle notamment, qui unit puis désunit Eric et sa compagne, Johanna. Pyramides, avec ses actions rapides et ses caractères simples, c’est de la littérature jeunesse.
Et puis aussi, l’intrigue ne remplit pas toutes ses promesses. Les grands mystères au centre de l’histoire – Quelle est donc cette structure qui retient le Stern III ? Y a-t-il une volonté, ou tout du moins une conscience, derrière ce qui arrive à ses passagers ? Y a-t-il une sortie ? – ne sont jamais totalement dissipés. Les pyramides qui intitulent l’histoire ne font qu’une apparition tardive et furtive. Et si le dénouement à la mode Interstellar est plutôt mignon, s’il a le mérite d’ouvrir la voie à plusieurs interprétations, il joue aussi de la facilité et il termine le récit en queue de poisson.
Néanmoins, l’histoire accroche, elle captive l’attention. Grâce à son rythme soutenu et à son enchainement sans temps morts de chapitres courts. Grâce à son style simple dépourvu de fioritures littéraires. Grâce au dévoilement progressif de la situation. Grâce à l’exploration lente de l’immense tunnel où s’est égaré le Stern III. Grâce, enfin, à l’incertitude quant au destin de la communauté formée par les colonisateurs, lesquels se divisent et se déchirent bientôt en deux partis : celui des Explorateurs, représenté par Eric, un héros qui veut comprendre le pourquoi du comment, au mépris du danger, au risque de tout perdre ; et celui des Bâtisseurs, mené par sa compagne Johanna, qui souhaite se faire une raison, et s’adapter à son nouvel environnement pour garantir sa survie.
A travers ces camps, ce sont deux types humains qui s’expriment, deux grandes aspirations contradictoires. L’idéalisme s’oppose au pragmatisme, la témérité à la résignation, l’envie de grand large au resserrement sur la communauté. L’auteur a le mérite de ne jamais prendre parti, ni pour l’un, ni pour l’autre. Et c’est donc une autre grande question qui maintient le lecteur en haleine : comment les passagers du Stern III vont-ils s’y prendre pour survivre et pour prospérer ?
Et puis il y a quelques trouvailles marquantes. Ce tunnel stellaire gigantesque où le Stern III se retrouve enfermé en est un, tout comme ces extra-terrestres (Influenza….) aux formes originales et inattendues. Pyramides est un roman plaisant, attachant, l’un de ceux qui se lisent tout seul, d’un trait. Et c’est tout ce que l’on doit demander à un livre, c’est toujours un signe qu’il est bien fichu et qu’il aborde des thèmes essentiels. Ne croyez jamais les gens qui prétendent le contraire.