CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL – Green River

CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL – Green River

Parfois un artiste ou un groupe traverse ce grand moment de grâce, cette période fatidique où rien ne peut l’atteindre. Celui où son art est au sommet, où il brûle d’un feu ardent et lumineux. Pour Creedence Clearwater Revival et pour le chanteur, auteur, compositeur, interprète et guitariste qui est le moteur de la bande, John Fogerty, cette année est 1969. Lancés par le single « Proud Mary », les Californiens sortent d’autres tubes ainsi que trois albums, pas moins, qui sont autant de classiques, Bayou Country, Green River, Willy And The Poor Boys (un quatrième aussi indispensable, Cosmo’s Factory, leur succède en 1970), et ils se retrouvent en bonne place au festival de Woodstock.

Le groupe d’El Cerrito, sur la Baie de San Francisco s’impose alors au public, mais il prend le contrepied de ses congénères. Contrairement à leurs contemporains, les membres de Creedence Clearwater Revival décident de se tenir à l’écart des drogues et de l’alcool, et leur musique est aux antipodes des longs jams psychédéliques prisé à cet endroit-là, à ce moment précis. On retrouve chez lui les envies pastorales qui marquent l’ère hippy, avec par exemple les histoires de filles qui dansent pied nu au clair de lune de « Green River », ou la détestation de la vie citadine exprimée sur un « Commotion » tout aussi grand, mais la musique est autre, et les influences viennent d’ailleurs.

Elles viennent du côté du Mississipi et du Golfe du Mexique, à en croire ses histoires de bayou et son atmosphère marécageuse ; et du passé, puisqu’elle s’inspire du rock’n’roll des années 50, ainsi que des traditions country, blues et R&B. Elle renoue aussi avec la simplicité. Elle va droit au but, avec ses titres courts, directs et enjoués, sur Green River encore plus que sur les albums précédents.

Le deuxième avatar de cette suite magique peut prétendre être le meilleur disque de CCR, un groupe alors d’autant plus sûr de son fait et de son art, qu’il se contente cette fois d’une seule reprise, celle du « The Night Time Is The Right Time » de Nappy Brown, en toute fin. Ici, les tubes s’enchainent, « Green River », « Commotion », « Bad Moon Rising », « Lodi », imparables et impérissables.

L’entrain et la gaieté de Creedence Clearwater Revival, néanmoins, cachent des paroles pas toujours si joyeuses que cela. A l’humoristique « Lodi », où John Fogerty s’imagine à court d’argent, coincé dans un bled paumé, s’ajoutent des tragédies plus réelles. « Tombstone Shadow » parle d’un homme à qui rien ne peut arriver de bon. « Wrote A Song For Everyone » évoque un couple (celui de Fogerty lui-même) qui ne se comprend pas. Et sur « Sinister Purpose », il semble bien que ce soit le diable en personne qui vienne frapper à la porte pour nous tenter. Tout cela, comme la musique, s’inscrit dans la tradition blues, celle des gens qui portent tout le malheur du monde sur leurs épaules.

Le meilleur morceau dans cette veine, celui dont les paroles noires contrastent le mieux avec l’air enjoué, c’est le pessimiste « Bad Moon Rising », un morceau qui pourrait faire écho à la guerre du Vietnam, tout autant qu’annoncer les désastres écologiques à venir. Creedence Clearwater Revival, en fait, parvient en 1969 à ce que la musique peut faire de mieux. John Fogerty et son groupe lui donnent ce qui est, peut-être, sa plus grande raison d’être : chanter le malheur avec joie.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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