A l'ouest des Etats-Unis, il y a la West Coast. Et plus loin encore que la West Coast, il y a Hawaï. C'est de cet archipel que la rappeuse Laura Yang, dite Neila, est originaire. Mais c'est bel et bien à une scène rap californienne qu'elle a souvent été associée, celle, grouillante et prolifique, structurée par le rappeur, DJ, producteur et multi-activiste Deeskee, autour du site LA2theBay. C'est en effet dans l'entourage de ce dernier qu'elle est apparue vers 2003, en contribuant à son album Blacklight Sessions, au bénéfice du très beau titre "The Dream". Et depuis, la rappeuse n'a jamais cessé de sortir des projets, jusqu'au récent Analog Jewelery, en 2017.

NEILA - Better Late Than Never

Neila s'est même bonifiée avec le temps. Sa meilleure période est sans doute, cruellement, celle où elle a bataillé contre un cancer des cordes vocales, au tournant des décennies 2000 et 2010. Better Late Than Never, un album sorti une fois encore avec l'appui de Deeskee, en est le témoin.

Produit par Avatar et, plus marginalement, par Life Rexall des Shape Shifters, il associe avec un relatif équilibre des titres sinistres ("Snake", "Murder", "Maybe") ou pathétiques ("Anything"), à d'autres, plus relevés ("Grab More", "Better Late than Never", "Seatbelt"), usant de samples divers et inusuels, comme le veut cette école de l'underground hip-hop.

Cet album est le premier sorti par la rappeuse après un long silence de près cinq années, et l'effet de la maladie commence à s'entendre. Sa voix ressemble parfois à celle d'une vieille femme, ce qui ne fait qu'accentuer la tristesse de ses raps, consacrés en partie à partager ses peines sentimentales.

Better Late Than Never tire profit des renforts adéquats, les passages les plus mémorables comptant des représentants de ce vaste réseau auquel Neila est affiliée. C'est le cas de "How It Is", un morceau up-tempo soutenu par des chœurs d'enfants et les scratches de DJ Esp, qui profite du flow éraillé d'Awol One. De même avec "Monster", où intervient l'autre semi-légende de cette scène, 2Mex, et de "Earthquake", avec Matre, un autre membre des tentaculaires Shape Shifters.

Mais la pièce de résistance est un autre titre, "Mercy Refused", un posse cut final mené tambour battant, où se succédent une douzaine de figures underground, dont Existereo, Xololanxinxo, le vétéran du Project Blowed Volume 10 et, histoire de dépasser la West Coast, l'ancien Co-Flow Bigg Jus.

Ce titre sonne comme un chant du cygne pour cette immense scène indé souterraine, en cette époque qui n'est déjà plus tout à fait la sienne. Mais pour la rappeuse de l'Etat d'Hawaï, ce n'est qu'une étape de plus : l'album suivant, un bien-nommé Only This One Counts où dominera la détresse causée par sa maladie, se révélera son plus intime et intense.

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