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Princess Nokia n'en est pas à ses débuts. La jeune femme d'origine portoricaine, dont le vrai nom est Destiny Frasqueri, a déjà sévi sous l'alias de Wavy Spice, ainsi que sous son seul prénom. Elle a sorti son premier titre en 2012, puis deux mixtapes, Metallic Butterfly et Honeysuckle, donnant autant dans un rap dur que dans du R&B, et elle a côtoyé Ratking, groupe emblématique de ce type de hip-hop alternatif. L'un de ses membres, Wiki, le seul autre à rapper sur 1992, a d'ailleurs été son compagnon. Ce dernier projet, cependant, lui a apporté une notoriété nouvelle. Décuplée par une tournée en Europe et par un rôle de modèle pour Calvin Klein, elle lui a presque valu plus d'articles dans la presse musicale généraliste, voire dans celle consacrée à la mode, que dans celle dédiée au rap.

Ce qui a frappé les esprits, donc, est le féminisme de la rappeuse. Il se traduit par des appels à la solidarité féminine et par le refus des canons de beauté, comme dans le passage le plus commenté de 1992, celui où elle affirme avec orgueil avoir des petits seins et un gros ventre. Il se manifeste aussi, voire surtout, par une appropriation subversive des poses machistes habituelles au rap. Princess Nokia, en effet, rappe sur un mode agressif, son pseudonyme lui viendrait du deal de drogue (Nokia, comme le mobile qui lui servait à communiquer avec ses clients), et elle utilise le vocabulaire de ses pairs masculins, jusqu'à jouer à plusieurs reprises d'un très efficace "suce ma bite". Plutôt que de jouer le numéro de la poupée sexuelle ou de la femme mûre, ce garçon manqué, ce "Tomboy", pour paraphraser le single phare de 1992, s'attarde dans l'enfance, comme seuls les hommes sont usuellement autorisés à le faire. Elle nous parle de skate, de comics, de jeans baggy et du jeu Mortal Kombat. Elle se remémore aussi, sur "Bart Simpson", autre référence d'époque, le temps où elle était une élève indisciplinée.

Le seconde trait marquant est la musique. Avec ses sons plus proches de l'IDM que du hip-hop canal historique (sur l'excellent "Brujas", par exemple), Princess Nokia renoue avec une tradition rap afro-futuriste qui remonte aux années 80. Elle use aussi d'accents ethniques, et d'un éclectisme certain, allant de la soul rétro de "Saggy Denim", à un freestyle, "Tweety Bird", déclamé sur la musique du "Last Dayz" d'Onyx, en passant, sur l'efficace "Kitana", par une production signée par les désormais inséparables A-Trak et Lex Luger. Elle mélange tout cela à la façon de ses devancières M.I.A. et Santigold, deux figures féminines qui, comme elle, ont eu un pied dans le hip-hop et un autre ailleurs, deux influences revendiquées à en croire une interview donnée à un confrère, et dont Princess Nokia nous offre une déclinaison sur un mode plus ghetto, et substantiellement new-yorkais.