Blow Money Records :: 2016 :: acheter le disque

Fidèle à son nom, Joe Blow n'en fait pas des tonnes sur ce dernier album. Plutôt que du gangster impénitent, il prend la posture du chroniqueur de rue, rendant compte de la violence urbaine. Il s'exprime d'un ton calme, avec un propos intelligible, réfléchi, articulé, dont affleure une certaine amertume. L'exemple type, c'est "Keep it 1,000", le premier titre de You Should Be Payin' Me Too!!, mais aussi le single qui l'avait annoncé. Après avoir précisé que le rap devrait être davantage une question de vécu qu'une affaire d'habileté verbale, il y énumère des épisodes marquants de sa vie : l'aide que lui a apportée The Jacka, sa responsabilité envers sa fille adolescente, le cancer de plusieurs membres de sa famille, la mort violente d'un ami. Et tout cela est dit d'un seul souffle, sur une musique prenante.

Tout, sur l'album, n'atteint pas ce niveau. Son style posé et lancinant, déployé sur une durée trop longue, est sa grande limite. En dépit de passages plus rythmés comme "Fast Lane" et "U Should Pay Me 2", ou de morceaux plus relevés comme "Say No More", et malgré la présence d'innombrables invités (d'autres gens de la Baie comme Ampichino, Yukmouth, Husalah, Philthy Rich, Cellski, les voisins de Sacramento Mozzy et Celly Ru, quelques rappeurs de ce Midwest où Joe Blow a aussi ses bases, et un ressortissant de la Côte Est, Freeway), You Should Be Payin' Me Too!! confine parfois à l'ennui. C'est le cas, par exemple, avec les vocalises forcées de "Heard They Snitching", un titre dont il existe fort heureusement, hors album, une version alternative dépourvue des chants irritants de Deltrice.

Là où ces réserves ne sont plus de mises, cependant, c'est du très bon. Joe Blow exploite adroitement sa ligne mélancolique. Il la renforce d'un piano pathétique sur "Karma", de samples pitchés sur "Streets 4 Too Long", de nappes de synthé sur "Look At U", sur l'impeccable "Not My Trap", et sur l'encore plus planant "Getting to It". Ou bien, de manière plus aboutie encore, il joue d'un beau chant féminin évaporé et de quelques cordes de guitare pincées de manière éparses, sur le langoureux "Clap Enemies". Sur cet album Joe Blow, en fait, parvient à retenir encore un peu plus longtemps ce qui faisait l'essence de son ancien protecteur.