Durk Banks, alias Lil Durk, ne tire pas tout de suite profit du moment où, en 2012, la scène drill de Chicago explose au grand jour. D'autres que lui, comme Chief Keef, Lil Reese et King Louie, bénéficient à cette époque de l'attention médiatique. Sans surprise, dans le contexte violent de Chiraq, le jeune homme d'une vingtaine d'années est alors en prise à des déboires judiciaires en raison d'un port d'armes illicite.

LIL DURK - Signed To The Streets

Il a pourtant déjà été approché par Def Jam, après le succès du titre "L's Anthem". Ce soutien de l'establishment du rap est manifeste quand, l'année d'après, il sort sous l'étiquette du Coke Boys de French Montana et dans la série des Gangsta Grillz de DJ Drama, une quatrième mixtape qui le propulse à l'avant-plan, Signed To The Streets, aujourd'hui encore, plus que ses albums, son projet le plus emblématique.

Cette sortie est, en 2013, la plus importante en matière de drill music. Sa qualité y est pour beaucoup, mais elle amène aussi une évolution capitale dans le son de ce sous-genre.

Après avoir adapté à leur réalité les paroles rudes et les sons synthétiques de la trap music, les jeunes pousses de Chicago continuent à trouver leur inspiration à Atlanta. Cette fois, ce sont les raps chantés à l'Auto-Tune peaufinés par Future, qu'ils s'accaparent. Leur figure de proue, Chief Keef, s'y est essayé lui-même la même année, avec la mixtape Almighty So. Mais le maître de cette formule, c'est bien Lil Durk.

Le cadre est inchangé. Il n'est pas tant question, comme chez Future, d'exposer ses états d'âme, mais plutôt de rendre compte du contexte violent et dangereux des rues chaudes de Chicago, avec l'urgence, la froideur et l'épaisseur sociale qui distinguent la drill music de ses influences sudistes. Il faut rendre compte de la "Street Life", pour paraphraser l'un des titres. Il faut parler, par exemple sur "Dont Understand Me", de cet esprit de clan qui est le seul recours en ces lieux. OTF, s'appelle d'ailleurs le label de Durk : Only The Family.

Ce rap dur, cependant, est déployé avec un sens mélodique décuplé, et parfois des ambiances de type cloud rap, comme avec "100 Rounds", des ingrédients que ne manqueront pas de reprendre bientôt, à leur sauce, les Français de PNL.

Malgré une poignée de ratés, l'approche de Lil Durk est redoutable sur Signed To The Streets. Pas tellement sur "Who Is This", le plus Atlanta de tous les titres, du fait de sa petite ritournelle typique de Zaytoven, mais plutôt sur "Traumatized", le tube qu'il nous offre d'entrée, sur "Hittaz" aussi, sur un "Oh My God" pompier et plus conforme à la drill habituelle avec ses syllabes détachées et l'absence d'Auto-Tune, puis en fin de parcours avec deux sons signés Young Chop, le producteur de Chief Keef ("One Night", et surtout l'intense "52 Bars Pt 2."), et enfin l'apothéose que Lil Durk nous offre avec "Times", le meilleur titre de cette mixtape jalon.

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