A y regarder de près, on remarque que certains rappeurs importants des années 2010 ne sont pas de première jeunesse. Le cas d'école, c'est 2 Chainz. C'est la trentaine bien sonnée, en effet, que Tauheed Epps est devenu une figure de premier plan. Avant cela, il a été membre de Playaz Circle avec son ami Dolla Boy, un duo signé sur le label de Ludacris, Disturbing Tha Peace, et qui a eu son heure de gloire en 2007, avec le single "Duffle Bag Boy", en compagnie d'un Lil Wayne au sommet de sa carrière. Mais après deux albums, l'aventure a pris fin. A cet instant, le rappeur a dû se réinventer en solo.

2 CHAINZ - T.R.U. REALigion

Il le fait alors en mettant toutes les chances de son côté : il adopte un pseudonyme moins embarrassant que le précédent, Tity Boi (en gros, "Garçon Nichon"). Il déploie son carnet d'adresse bien rempli pour empiler une jolie collection de featurings. Et il investit une trap music relativement générique, mais cocasse, loufoque, presque bon enfant.

Avec Codeine Cowboy: A 2 Chainz Collective, qui la précède de quelques mois, T.R.U. REALigion est la mixtape référence de celui qui s'appellera désormais 2 Chainz, et une sortie plus réussie que l'album qui suivra un an après chez Def Jam, Based On A T.R.U. Story. D'emblée, dès la liste des invités ici présents, on réalise qu'on a affaire à un poids lourd.

Cett sortie appartient à la prestigieuse série des Gangsta Grillz de DJ Drama, elle a des titres produits par tous les producteurs du moment (Mike WiLL Made-It, Lex Luger, Southside, Drumma Boy, Fatboi, etc.), et y participent des grands noms du rap aussi variés que Birdman, T.I., Young Jeezy, Yo Gotti, Big Sean, Jadakiss, quelques valeurs alors émergentes comme Meek Mill et Kreayshawn, et même, à contre-emploi ou presque, le vétéran new-yorkais Raekwon.

2 Chainz accorde son succès tardif à un concept qui lui est propre, et qu'il présente en introduction : le griming, mélange de travail de longue haleine ("grinding") et d'accord avec le temps présent ("timing"). Le premier terme est illustré par la persévérance qu'il a fallu à 2 Chainz pour se faire une place. Le second, quant à lui, est confirmé par la nature presque standard, en 2011, qui caractérise cette mixtape.

Le premier vrai titre est un excellent "Got One", en quelque sorte un hommage à la bonne ville d'Atlanta. Et celui-ci, comme tous les autres, ne fait que décliner le son local, rythmes trépidants et synthés claironnants, et à traiter des incontournables thèmes du sexe, de la drogue et de l'argent.

Tout est conventionnel, mais tout ou presque va à 2 Chainz. Sur "Undastatement", Lex Luger décline avec bonheur l'un de ces sons bastons qui en ont fait le beatmaker du moment. Sur "Stunt", 2 Chainz et Meek Mill rivalisent de vantardises sur des synthétiseurs tourbillonnants. "Murder" est à la fois violent et burlesque à souhait, contribution de Kreayshawn incluse. "Kesha" est une jolie romance pour mauvais garçon. "Riot" remplit son rôle de single qui tabasse, de même qu'une version remixée de "Spend It" avec le renfort de T.I., le titre qui a été pour 2 Chainz le passeport vers le succès.

Plus ça tape, plus ça lui va, comme le prouve en creux le sirupeux et ennuyeux "K.O.", avec Big Sean, dans une seconde moitié de mixtape moins jubilatoire que la première. Il faut à ce rappeur les sons qui vont avec sa vigueur juvénile et sa posture de grande gueule exaltée. Dans de telles conditions, 2 Chainz est 2011, et 2011 est 2 Chainz, la personne à faire écouter, plus tard, à ceux qui voudront comprendre à quoi pouvait bien ressembler le rap, dans ces années-là.

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