Je ne sais pas vous, mais moi je décroche. A force de le voir continuer à sortir des mixtapes, encore, encore, et encore, j'ai perdu le fil. D'autant plus que, parmi ses innombrables sorties 2013 et 2014, il y a beaucoup de fonds de tiroir. Et si les pépites sont encore là, il faut parfois les chercher assidument. Pour tous les fans de Gucci Mane, il ne reste donc que deux alternatives : attendre que de plus acharnés qu'eux écoutent tout, et daignent séparer à leur place le bon grain de l'ivraie ; ou bien revenir aux valeurs sûres, par exemple ce Mr. Zone 6 de 2010 (à ne pas confondre avec l'album The Return Mr. Zone 6, sorti une année plus tard, mais moins mémorable), l'une des plus récentes, parmi les grandes mixtapes de Guwop.

GUCCI MANE - Mr Zone 6

Quand cette dernière est sortie en juin 2010, une fois encore avec l'appui de DJ Drama, cela faisait tout juste un mois que Gucci Mane venait d'abandonner son passe-temps préféré, croupir en prison, au profit de son autre hobby de prédilection, enregistrer du rap. Cette mixtape était attendue au tournant, donc, d'autant plus qu'elle succédait à une année faste pour notre homme. Avec quelques sorties capitales comme Writing on the Wall et The Burrprint, une signature chez Warner, et une exposition inédite au grand public, 2009 lui avait en effet permis de renforcer plus encore son statut : celui du rappeur le plus important de son temps. Et si Mr. Zone 6 n'a pas fait l'unanimité (mais y a-t-il quoi que soit, dans la carrière de Radric Davis, qui ait fait l'unanimité ?), elle n'en était pas moins de très haut niveau.

Il y avait l'habituel, bien sûr : le phrasé chantonnant de Gucci Mane, prompt à partir dans des refrains aux airs de comptine ("Dat’s My Life") ; les petites mélodies au synthétiseur, entêtantes et régressives, presque enfantines ("Rooftop" ,"Koolin’", "Makin Love to the Money") ; cet égo-trip gangsta absurde et exacerbé, forme avancée d'humour pince-sans-rire ; cette inversion des valeurs, où l'anormalité est la norme ("Normal"), où les filles, ravalées au rang d'objets, sont un signe extérieur de réussite, tandis que l'argent, seul, est digne de sentiments ("Makin Love to the Money"). Bref, il y avait tout cet attirail, toujours le même, celui qui fait dire à ses détracteurs que le rappeur n'aurait jamais donné que dans le produit de série.

Mais il y avait aussi le reste : l'appui parcimonieux mais décisif de quelques autres, par exemple celui du protégé Waka Flocka, dont 2010 a été la grande année, sur "You Know What It Is" et "Stove Music" ; un Guwop, régulièrement taxé d'être un mauvais rappeur par les puristes hip-hop, mais qui avait rarement été aussi adroit au micro, tenant la dragée haute à Bun B et Yo Gotti sur "Its Goin Up", ou s'essayant au double-time ("Dat’s My Life") ; et puis la production.

Conçus par quelques-uns des meilleurs producteurs du moment, de Drumma Boy à Zaytoven, les beats de cette mixtape étaient presque tous bons, des sirènes et du rythme accéléré de "Its Goin Up", de ce "Normal" à faire dodeliner de la tête, au génial instrumental évaporé et erratique du titre final, un "Long Money" rien de moins que parfait. Enregistré à l'arrache en un mois, Mr. Zone 6 était en fait de qualité album, quasiment, mais sans aucun des compromis et joliesses qui vont avec. Cette mixtape enrichissait encore une œuvre déjà impressionnante. Avec elle, en 2010 comme en 2009, Gucci Mane était bien plus que Monsieur Zone 6 (du nom donné par la police à son quartier d'Atlanta) : plus que jamais, il était Monsieur Rap.

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