Ca n'a pas toujours été sensationnel les Red Ants. Avec leur rap sombre et engagé comme on n'en faisait plus depuis l'essor du rap indé, Modulok et Vincent Price forçaient sur la noirceur. Ton martial, beats rentre-dedans, bruit, imagerie science-fiction, rhétorique anticapitaliste, pochette moche aux couleurs de l'anarchie : la panoplie était complète sur Phobos Deimos, et ça ne respirait pas franchement la subtilité. Pourtant, il fallait bien reconnaître de l'impact et de grosses qualités à des titres comme "Lot’s Wife", "Incendiary Objects" et surtout "Future Imperfect".

RED ANTS - Omega Point

Urbnet Records :: 2008 :: acheter cet album

Avec ce second album, c'était à peu près la même chose. La pochette exposait une scène de cataclysme. Les sons étaient unilatéralement froids, sinistres et menaçants. Les rythmiques étaient inéluctablement lourdes et appuyées. La science-fiction était toujours présente, ne serait-ce que par ce titre piqué à George Zebrowski. Et Modulok déclamait toujours ses textes paranoïaques comme si l'Apocalypse était pour demain, donnant dans la théorie de la conspiration ("Keep Your Satellites Out of My Brain", "Psychic Dictatorship"), s'en prenant aux MCs vendus ("A Kind of Grim") ou dénonçant le romantisme du mythe gangsta ("Dirty Space Alchemy"), prenant à témoin, à cette fin, sa propre expérience de déshérité.

Une fois encore, les Red Ants nous envoyaient dans la figure leur hip-hop de bourrin, avec une furie implacable assez proche de celle de Dälek. La comparaison avec ces derniers s'imposait à cause des thèmes politiques, d'un goût prononcé pour le bruit, et de sons issus des musiques électronique ou industrielle, mais aussi par cette capacité qu'avait Modulok à se mettre en retrait et de laisser à la musique le temps de respirer. Ou d'empêcher l'auditeur de respirer, pour être plus exact. Parfois, la ressemblance avec le groupe de Newark étaient même frappante, par exemple avec le mur du son et les basses énormes de "Amplification".

Et tout cela, finalement, n'était pas déplaisant. Le second album des Red Ants était très proche du précédent, mais les bons titres y étaient plus nombreux, les moments d'ennui quasi inexistants, les sons plus travaillés et plus atmosphériques, le rap savait se retenir malgré les admonestations et le ton alarmé de Modulok. Le duo en faisait beaucoup, certes, mais pas trop. Et quelques passages comme "A Kind of Grim" n'étaient pas loin de ressembler à des tubes. Trois ans après un Phobos Deimos qui avait de quoi laisser incertain et circonspect, Omega Point, emportait avec lui les dernières réticences à l'encontre du duo de l'Ontario.