La drum'n'bass, au début des années 2000, ne captivait plus grand monde. Après quelques années de gloire au sein de la décennie précédente, ce genre au rythme trépidant né de la scène rave anglaise semblait avoir rejoint les poubelles de l'histoire, ne survivant plus qu'à travers ses descendants UK garage, puis dubstep. Etrangement, les derniers qui semblaient encore s'y intéresser étaient quelques rappeurs issus de la scène indé US. Il y eut d'abord le groupe Zion I, et puis The Orphan, le producteur attitré du Canadien Noah23, qui concrétisait avec Atoms of Eden, et sur une longue durée, sa passion ancienne pour les sons à 180 bpm.

ORKO THE SYCOTIK ALIEN - Atoms of Eden

Plague Language :: 2003 :: acheter cet album

Vu comme ça, ce projet n'était pas très engageant. Les expériences crossover de cette nature n'ont pas toujours donné de bonnes choses. Mais voilà, le rappeur choisi pour habiller ces instrumentations d'Orphan, c'était Orko, the Sycotik Alien, le vétéran de la scène rap de San Diego, membre du collectif Global Phlowtations, personnage essentiel du foisonnant underground hip-hop californien, auteur d'une pléiade d'albums relativement confidentiels, qu'un disque commun avec Bigg Jus de Company Flow avait rendu un peu plus visible, quelques mois auparavant.

Sur Atoms of Eden, notre rappeur, et quelques autres comme Odessa Kane, Zagu Brown, Ambush et Phoenix Orion, déblatéraient avec aisance et à toute allure un flot continu de paroles scientifico-futuristico-politiques sur une jungle (l'autre nom de la drum'n'bass) finement ouvragée. Et cela tout le long du disque, à l'exception d'une toute petite poignée de titres plus typiquement rap comme le remarquable et dévastateur "Wack as Fuck", une charge contre les wack emcees pas piquée des hannetons produite par le rappeur lui-même, servie par un chœur ravageur à la Black Moon et par quelques punchlines d'anthologie, histoire de rassurer ceux qui se sentaient un peu trop dépaysés par les sons électroniques venus l'Angleterre.

Pour le reste, et contre toute attente, les deux principaux protagonistes se tiraient plutôt bien de l'exercice. Tandis qu'Orko prouvait sa virtuosité en collant son phrasé au rythme ultra-rapide des beats, les instrumentaux convainquaient, en dépit de ces effets parfois mélodramatiques ("Symphony of Light", "Double Helix") que The Orphan développera plus tard au sein du duo Blue Sky Black Death. Quelques titres parvenaient même à une alchimie parfaite entre les raps et les sons, comme les très réussis "Innerspace Massive" et "Art of Deception". C'était comme si cet album, peut-être le mieux produit d'Orko, lui apportait enfin, avec ces rythmes débridés, l'écrin qui convenait à son flow rapide et menaçant.