Ils doivent se cacher maintenant, ces bien-pensants qui, il y a bien longtemps, ont pensé que le style gangsta ne serait qu'une passade, une crise de croissance pour le rap. Car aujourd'hui, "rappeur" est souvent synonyme de "criminel", et pour beaucoup de gens, qu'ils soient allergiques au rap ou des fans acharnés. Ca s'est même empiré, à en juger par cette trap music d'Atlanta qui domine la fin des années 2000 et dont Gucci Mane est l'un des plus éminents représentants.

GUCCI MANE - Murder Was The Case

Oui, mais voilà. Comme il y a vingt ans, les gangsters mènent la barque, et ils sont imperméables à la critique.

Et pourtant, des critiques, il y en a eu à l'encontre de Gucci Mane. En plus de ses thèmes (la drogue, l'argent), on lui a reproché, entre autres, de ne pas avoir l'aisance verbale des virtuoses "côtiers". Et en ce qui concerne ce Murder Was The Case, certains même de ses fans ont eu la dent dure, ayant peu goûté ce disque vite enregistré, jugé moins essentiel que quelques-unes des mixtapes avec lesquelles le rappeur d'Atlanta nous abreuve continument. L'auteur lui-même a reconnu y avoir mis peu de soin, soucieux de vite se débarrasser d'un contrat encombrant avec le label Big Cat.

Et pourtant, il n'est pas si mal, cet album. Si l'on oublie des "Cuttin Off Fingaz" et "Gangs" dispensables, on y trouve tout ce qu'il faut aimer chez Gucci Mane : ces synthés tour à tour clinquants ("Runnin' Back"), virevoltants (le vieux titre "Stoopid"), triomphants ("Yella Diamonds"), symphoniques ("Block Party"), épiques ("Say Damn"), voire atmosphériques ("Hot!") ; ce débit lent et pesant ; ces "yeeeaaah" paresseux et du meilleur effet, qui ponctuent chaque titre,et lui donne une allure délicieusement insolente ; et bien sûr, cette rhétorique de gangster patenté et sans remord, qui ne s'intéresse qu'à son fric mal acquis et ne s'embarrasse pas de subtilités, affirmant des choses simples, type "yeah je vole, et yeah je fume, je bois et je gobe des drogues" ("Block Party").

A tous ces exercices, coutumiers, s'ajoutent quelques titres plus originaux. Le premier est "Murder For Fun", une escapade ragga dancehall effroyablement noire, où il s'en prend à nouveau à son vieil ennemi Jeezy. Un autre est "Neva Had Shit", où l'on reste en Jamaïque le temps d'une instrumentation reggae. Et le plus fort est le morceau final, un "Shittin' Onum" malsain et malodorant, qui pousse le bon goût jusqu'à sampler des bruits de mouches et les interjections improbables issues de quelque film, concluant un Murder Was the Case qui, décidément, n'est pas si dispensable que cela.

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