Ah, cette nostalgie con, qui vous fait souvent préférer les premiers albums sortis par vos groupes fétiches... Cette pincée au coeur qui vous prend quand vos chouchous se mettent à séduire le voisin d'à côté, ce sale type qui, jusqu'à ce jour, n'avait fait preuve ni de goût, ni de discernement... C'est un peu ce qui a saisi certains fans d'Antipop Consortium, le jour où le trio New-yorkais a quitté le 75 Ark de Dan the Automator, pour se retrouver chez les hipsters anglais de Warp.

ANTIPOP CONSORTIUM - Arrhythmia

Warp :: 2002 :: acheter ce disque

Tragic Epilogue, le premier album d'Antipop Consortium, avait marqué en 2000 l'arrivée du rap dans le nouveau millénaire, tout autant que son retour à l'inventivité de l'époque old school, quand le genre flirtait avec l'électronique et l'expérimentation. Il avait agi aussi comme une révélation auprès d'un public d'esthètes. Mais avec l'arrivée chez Warp, s'était enclenché un double phénomène dangereux : d'abord, un effet de marque (t'as vu, Warp, top credibility) ; ensuite, avec leur premier album pour les Anglais, le groupe s'était orienté vers une musique, toutes proportions gardées, plus attirante et plus accrocheuse.

Arrhythmia, cependant, était un bon album. La pochette (oui, rien que cette pochette, super stylée), tuait carrément. Quant à la musique, elle n'était pas fondamentalement différente de ce à quoi le trio nous avait habitués : c'était bien toujours ce hip-hop régénéré, cette électronique bancale qui servait d'écrin aux raps de haut vol des trois principaux protagonistes. A l'écoute de bombes comme "Ping Pong" (quelle idée de génie que ce sample de balle de ping pong) ou du synthétiseur tonitruant de "Human Shield", il fallait être un sacré abruti pour dégainer une fois encore cet argument aux airs d'oxymore : trop accessible.

Faisant mentir le "anti-pop" dans leur nom, le groupe n'avait en effet jamais été aussi évidemment accrocheur et jouissif, aussi simple et funky ("Bubblz"), aussi rentre-dedans ("Dead in Motion"), aussi friand de grosse artillerie (la diva de "Mega"), aussi prompt à utiliser des voix féminines cajoleuses, même si on était encore bien loin des roucoulades souvent infâmes du R&B ("Ghostlawns").

Et pourtant, un truc clochait... Il y avait un côté feignant dans l'utilisation comme gimmicks de dissonances et de sons électroniques inconfortables, quelque chose qui relevait déjà de la formule, qui faisait téléphoné. C'était moins frais qu'au premier jour, moins décisif que sur Tragic Epilogue, en particulier sur tous les titres qui n'ont pas été cités dans cet article. En somme, répétons-nous, cela avait tout pour alimenter, et de façon fondée, un petit fond de nostalgie con.